Maurice des Ombiaux

 

 

Une Cause littéraire

 

Text
Editionsbericht
Literatur: Ombiaux
Literatur: le coq rouge


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Texte zur Baudelaire-Rezeption
Texte zur Verlaine-Rezeption
Texte zur Mallarmé-Rezeption
Texte zur Theorie und Rezeption des Symbolismus

 

[1] M. Firmin Van den Bosch s'occupe, sous ce titre, durant trois numéros du Magasin Littéraire, des démêlés que le Coq Rouge a eus avec une autre revue. Certes M. Van den Bosch peut, et c'est son droit, en penser ce qu'il veut et l'exprimer comme il lui convient, mais c'est également notre droit de constater qu'il parle de choses qu'il ne semble connaître que très imparfaitement. S'il avait lu notre revue comme il a lu celle qu'il oppose à la nôtre, il n'aurait pas écrit que nous nous étions constitués les champions de l'Art social opposé à l'Art pour l'Art, pas plus que du vers libre opposé au vers régulier.

Tous les fascicules du Coq Rouge s'insurgent contre une pareille assertion. Depuis l'article de tête jusqu'à la fin des picorées, nous défions M. Van den Bosch de trouver une seule ligne établissant ce qu'il avance. Nous nous sommes toujours efforcés, au contraire, de défendre la liberté absolue de l'artiste, contre les formules que l'on veut lui imposer, que ces formules nous viennent d'une tradition mal comprise ou du snobisme qui en invente chaque jour de nouvelles. Nous avons revendiqué, pour l'écrivain, le droit de créer l'expression la plus adéquate à son tempérament et à ses aspirations. Nous avons conspué les maîtres d'école, aussi bien ceux de l'Art pour l'Art que de l'Art social. Nous pouvons donc prétendre que ce n'est pas en nous lisant que M. Van den Bosch s'est fait une opinion sur notre compte, mais bien en nous regardant à travers le tissus de perfidies, de mauvaise foi et de malpropretés, que nos adversaires ont jeté sur [2] nous pour travestir l'attitude que nous avons prise en fondant le Coq Rouge et que nous n'avons cessé de garder depuis lors.

Notre intention manifestée catégoriquement dès la première page du Coq était de rester en dehors de toute dispute, de toute querelle, qui ne profitent à personne d'autre qu'aux Pecuchets et aux Bonhommets ayant pour chefs de file quelques mauvais petits journalistes qui ne manquent pas de se frotter les mains en comptant les coups. Mais le caractère extra-littéraire des attaques auxquelles on s'est livré envers nous, les insinuations que l'on faisait pénétrer dans les cabinets directoriaux des journaux quotidiens et les couloirs de ministères pour nous susciter des désagréments dans notre vie privée, nous ont forcé à remettre les choses au point. Cela fait, nous nous sommes remis à travailler.

Vraiment, ce n'est qu'en lisant nos détracteurs et non pas le Coq Rouge, que M. Van den Bosch a pu écrire ces lignes "malheureusement la discussion entre Parnassiens et Verslibristes ne se maintient point longtemps aux calmes et sereines hauteurs de la théorie; elle descend bientôt au terre à terre des exagérations, des gros mots et des personnalités."

La seule théorie que nous ayons faite, a été de proclamer l'inanité de toute théorie. Les œuvres seules valent. Quant aux personnalités, elles nous sont fort indifférentes. Nous n'avons pas, nous, modifié du tout au tout notre appréciation sur le talent de tels ou tels écrivains parce que nous avions cessé de nous entendre avec eux au sujet de l'aménité que nous croyions due à un artiste tel que Verhaeren, dans la chronique littéraire d'une revue à laquelle nous, ses amis, collaborions.

M. Van den Bosch pour remplir convenablement le rôle de Salomon de lettres qu'il s'attribue auraît dû ne pas écouter qu'une cloche, car il n'a entendu qu'un son et ce son est aigre et faux.

Nous le regrettons, car son article est, à d'autres points de vue, loin d'être dépourvu de bon sens et de justesse; ainsi nous sommes parfaitement d'accord avec lui lorsqu'il dit à propos de Verhaeren:

"La critique est indigne de son nom et de sa mission quand, par une incroyable aberration de parti-pris, elle prend prétexte des quelques lacunes d'une œuvre pour lui dénier toute valeur et exagère les défauts d'un artiste pour pouvoir d'autant mieux se dispenser de reconnaître ses mérites; ne cherchons pas les poux dans la crinière du lion!"

Nous ne pouvons également que rendre hommage à la clarté et à [3] l'impartialité qu'il a apportées dans l'étude des deux modes rythmiques d'expression qui se disputent le domaine poëtique au lieu de se le partager et approuver, sans réserves, les considérations suivantes qu'il déduit de son rapide aperçu des transformations et de l'évolution de la Poésie française. Les adversaires les plus acharnés du vers libre n'ont pas encore trouvé à en détruire la logique et à y répondre d'une manière présentable.

1° C'est dans le sens de la liberté que le vers français a perpétuellement évolué; dès lors donc qu'une atteinte fut portée à son intégrité classique, les ultimes innovations d'aujourd'hui étaient à prévoir; et, si sacrilège il y a, les révolutionnaires d'aujourd'hui en partagent la responsabilité avec les révolutionnaires de jadis; la méconnaissance actuelle du nombre homosyllabique et de la rime fait suite logique au rejet ancien de l'hémistiche et à la réhabilitation de l'enjambement; ceci appelait cela.

2° Qu'on consulte les plus anciens traités de versification ou les plus contemporains, tous donnent au vers une origine et une destinée musicales et en font comme l'appropriation de la mélodie à l'expression verbale de la pensée et du sentiment; si donc les ariettes cadencées et régulières d'autrefois ont cessé de plaire, pourquoi ne pourrait-on leur substituer un ensemble rythmique moins précis de contour, plus savamment orchestré et, osons le mot, plus Wagnérien?

3° Toute question de principe étant hors de propos, ce n'est point sur des théories, mais par les œuvres qu'il faut juger.

Cette dernière conclusion, que nous avons indiquée tout au long d'une année dans le Coq Rouge, montre que M. Van den Bosch est complètement d'accord avec nous sur l'inanité des discussions littéraires, c'est ce que nous voulons retenir de son article.

Plus que jamais nous sommes décidés à ne pas nous écarter de la voie que nous nous sommes tracée au début de la revue.

Si cette voie qui avait été suivie chez nous depuis 1880 n'avait pas été abandonnée par d'autres, si la loyauté la plus élémentaire n'avait pas été indignement violée, les jeunes écrivains belges seraient encore groupés en un faisceau solide et brillant. Il n'est pas inutile, ne fut-ce que pour éclairer sur nos intentions les gens de bonne volonté qui nous ont peu lus, comme M. Van den Bosch, de rappeler la règle que nous nous sommes imposée: "Permettre à des écrivains de talent variés et d'orientation esthétique ou philosophique différente, mais qui éprouvent l'un pour l'autre une sincère et loyale estime, de se [4] rencontrer sur un terrain commun et d'y faire œuvre d'art et de beauté, chacun en toute indépendance en toute spontanéité, sans préoccupation de forme, de canon et de dogme, sans souci des petites chapelles et des courtes échelles qui s'érigent et se dressent autour d'eux."

 

 

 

 

Erstdruck und Druckvorlage

le coq rouge.
Revue littérature.
Jg. 2, Mai 1896-April 1897, Nr. 1, Mai 1896, S. 1-4.

Gezeichnet: Maurice des Ombiaux.


le coq rouge   online
URL: https://bib.ulb.be/fr/documents/digitheque/projets-et-collections-speciales/revues-litteraires-belges/publications
URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327483500/date

 

Zeitschriften-Repertorium

 

 

Literatur: Ombiaux

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Literatur: le coq rouge

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