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Editionsbericht
Literatur: Zola
Literatur: Le Journal populaire de Lille et de l'arrondissement
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Texte zur Mallarmé-Rezeption
Texte zur Theorie und Rezeption des Symbolismus
C'est une idée grande et belle que celle de l'humanité en marche vers une cité idéale, cité de justice et de liberté. Je me représente les peuples au berceau. Réunis en tribus errantes, ils ne tardent pas à sentir mille aspirations s'éveiller en eux. Un sentiment d'infini dans le vrai, le juste et le beau les tourmente. Une vague inquiétude leur fait parfois plier leurs tentes et aller sous de nouveaux cieux constituer de nouveaux empires. Plus ils avancent dans les âges, plus leurs haltes sont longues: ils comprennent que le jour vient où ils pourront jeter les fondements d'une ville éternelle. Mais combien d'hésitations au début, combien de haltes en pure perte dans la suite des temps. Les peuples trompés essaient pendant des siècles une façon d'être qui ne saurait contenter leurs aspirations. Le jour où ils reconnaissent cette impossibilité, ils renversent une cité antique, et, sur les ruines, en élèvent une nouvelle qu'ils croient plus conforme à l'idée de perfection qui est en eux.
Ce désir de perfection qui tourmente l'homme, le tourmente en tout et partout. Il ne peut créer, sans chercher aussitôt à créer mieux et davantage. S'il n'y a progrès, il y a toujours tendance. C'est là un résultat nécessaire de la faculté de sentir et de juger qui le sépare de la brute.
Il y a donc progrès universel, ou du moins désir universel de progresser. Je ne veux pas traiter ici la question du progrès social. On peut le suivre pas à pas dans l'histoire et juger, mieux que je ne le ferai, si les peuples ont enfin atteint les portes de l'idéale cité. Mais qu'il me soit permis de constater l'état présent des sciences et de la poésie, de déterminer les causes qui ont fait grandir les unes et rester l'autre stationnaire, enfin de chercher quel pourra être le grand poète de demain, celui qui réclame un âge nouveau et un savoir humain plus étendu.
Avons-nous besoin de prouver le progrès dans les sciences, surtout dans les sciences appliquées<?> La vapeur et l'électricité l'ont popularisé au plus haut point. Les admirables inventions, nées de ces agents et bonnes surtout à convaincre l'ignorance par leurs côtés purement pratiques, ne sont pourtant, comparées à l'œuvre de théorie et de connaissances exactes et naturelles, qu'un des résultats les moins étonnants de nos sciences modernes.
En présence de ces résultats, une question se présente à l'esprit du penseur. D'où vient qu'il n'y ait pas de loi fixe qui impose aux facultés humaines un égal développement dans tous les sujets? Pourquoi, lorsque les sciences grandissent, la poésie ne grandit-elle pas, suivant une marche lente et continue?
Au début, l'homme sentant plus qu'il ne jugeait, voulut néanmoins expliquer toutes choses. Surtout frapper par les faits, il s'inquiéta peu des causes et chercha seulement à rendre avec grandeur la grande nature. C'est dire qu'aux premiers jours la science et la poésie ne firent qu'un. L'imagination aidant, les œuvres furent pleines de grandioses erreurs, splendides manifestations de la jeunesse du monde. Mais bientôt certains hommes, <lassés> de décrire sans comprendre, laissèrent là les effets et cherchèrent les véritables causes. La science naquit et se sépara de la poésie. Elle tâtonna longtemps; puis, lorsqu'elle eut trouvé la méthode pour levier, elle avança hardiment, renversant les obstacles et montant toujours.
Pendant ce temps, que devenait la poésie<?> Elle restait ce qu'elle était aux premiers jours, un cri d'admiration devant les phénomènes de la nature et l'explication de ces phénomènes suivant les données les plus plaisantes de l'imagination.
Qu'on le remarque, le savant et le poète, de nos jours encore, partent du même point. Tous deux se trouvent en présence du monde, tous deux s'imposent pour tâche d'en connaître les secrets ressorts et essaient de donner dans leurs œuvres une idée de l'harmonie universelle. On peut le dire, les sciences et la poésie sont une même chose qui s'est dédoublée dans la suite des temps: la poésie n'est toujours que la science des peuples au berceau; les sciences sont une poésie née d'hier au sein des peuples grandis.
Mais combien le savant et le poète diffèrent dans leur façon de procéder, combien les résultats qu'ils atteignent sont opposés. Le savant s'appuie des travaux de ses devanciers, apporte sa pierre à l'édifice, lutte au nom de la vérité, et surtout ne craint pas, pour que la lumière se fasse, de substituer aux anciennes croyances de nouvelles hypothèses plus propres à expliquer le système de l'univers. Le poète, au contraire, est seul; son œuvre est un effort isolé; ses hypothèses sont vielles de six mille ans, et il assure qu'il mourra le jour où il sera forcé de chanter le monde tel qu'il est. Il n'est poète, selon l'esprit de nos temps, qu'à la condition de caresser les fables antiques et de donner une interprétation éternellement fausse des phénomènes du monde extérieur.
Il faut le dire, la poésie, par son essence même, ne saurait progresser comme progresse la science; l'idée de perfectionnement dans l'imagination, la sensibilité, la passion, toutes qualités qui font le poète, paraît parfaitement absurde. Une langue s'épure, un rythme devient plus net et plus harmonieux; mais le cœur de l'homme ne trouve pas de nouveaux amours. C'est dire que, chez les peuples, il existe toujours une filiation d'écrivains tendant à une perfection du langage et de forme, mais que la poésie, et je prends ici le mot à son sens le plus élevé, est indépendante de cette perfection, qu'elle se manifeste à tous les degrés plus au moins parfaits d'une littérature, en un mot, qu'elle est en dehors de cette loi commune aux choses humaines, aux sciences par exemple, de suivre un développement continu. C'est là sa nature de s'éveiller dans l'homme comme s'éveillent en lui les sentiments et les passions qui l'agitent. Elle n'est pas l'intelligence, elle est le cœur. De là son insouciance du progrès, car si le savant a toujours dans l'ordre physique de nouveaux problèmes à résoudre, le poète du premier élan trouve toute vérité morale, le grand amour, le <caritas> des latins.
La nymphe Poésie est assise sur une roche solitaire, et regarde, immobile, le flot des âges passer devant elle. Depuis six mille ans, elle chante l'homme, le combat éternel de l'âme et du corps. Elle est profondément humaine. Si elle se trompe dans les rapports de l'être avec la nature, surtout dans l'étude de cette nature, il lui échappe d'admirables cris de vérité, lorsqu'elle exprime les souffrances et les joies, les désirs et les impuissances de l'homme. C'est là cette poésie, ce sentiment humain, qui n'est pas perfectible et qui doit son intensité, non pas à une recherche patiente, mais à la nature même du poète qui l'apporte en naissant.
Je n'ai donc pas voulu chercher les lois du progrès dans la poésie, puisque ce progrès, à proprement parler, n'existe pas; mais seulement interroger l'avenir et lui demander, je le répète, quels pourront être les chants du poète de demain. Ne dit-on pas que la poésie est morte, et ne devons-nous pas, en réponse, à cette demi-vérité, chercher sous quelle forme elle va renaître? Oui, la poésie est morte, en ce sens qu'il vient une heure où une forme s 'épuise, où un mode d'être poète s'use et ne peut plus servir. Qui fera des odes de nos jours après Hugo et Lamartine, qui osera toucher à l'élégie ou au conte après Musset<?> Celui qui commettra cette maladresse, imiter ces maîtres, sans même en avoir conscience, et, tout en apportant sa note personnelle, ne sera jamais qu'un disciple. Il y a de grandes personnalités qui emplissent ainsi toute une époque; pour un temps elles s'identifient les genres qu'elles ont choisis, et, pendant de longues années, on ne peut prendre ces genres, sans prendre aussi leurs façons d'être.
L'heure est venue pour nous où la forme des Hugo, des Lamartine et des Musset est épuisée. Il faut nous séparer violemment de l'école lyrique de 1830 ou du moins la renouveler, la faire nôtre par une nouvelle inspiration.
Une prévision certaine, une vérité absolue, c'est que le grand poète de demain, si demain doit venir, sera puissamment original, tirera tout de lui-même. Que chantera-t-il? De quelle nature sera son génie? On ne peut l'annoncer en toute assurance, mais il est permis à chacun de dire la poétique qu'il a rêvée, et, sinon d'indiquer aux autres, du moins de se tracer à lui-même la route qu'il croit la meilleure et la plus conforme aux aspirations du temps présent.
J'expliquerai donc modestement ce que je ferais, si j'en avais la puissance. Je dirais adieu aux beaux mensonges des mythologies; j'enterrerais avec respect la dernière naïade et la dernière sylphide; je rejetterais les mythes et n'aurais plus d'amour que pour les vérités. Plus de pleurs avec les cascades, de soupirs avec les ruisseaux; une réalité large et puissante, et non le souci des jolis riens d'ici-bas. Alors, dans les cieux dépeuplés, je montrerais le dieu Infini et les lois immuables qui découlent de son être et régissent les mondes. La terre, dépouillée de ses ajustements coquets, ne serait plus pour moi qu'un tout harmonieux où circule le flot de vie, sans jamais se perdre et tendant au but mystérieux. Faut-t-il le dire? Je serais savant, j'emprunterais aux sciences leurs grands horizons, leurs hypothèses si admirables qu'elles sont peut-être des vérités. Je voudrais être un nouveau Lucrèce et écrire en beaux vers la philosophie des nos connaissances, plus étendues et plus certaines que celles de l'ancienne Rome.
Que les poètes y songent. La science est à leur porte; elle fait parler leurs fables aux clartés de son flambeau. Elle prend la plus large place dans l'attention publique. Demain, l'industrie, qui n'est autre chose que la science appliquée, finira de tuer, non pas l'immortelle poésie, mais cette muse de la banalité et du convenu que caressent de nos jours les plats imitateurs de nos grands maîtres. Quand cette muse sera bien morte, alors se lèvera un nouveau siècle; la poésie, nous le croyons fermement, y sera l'expression la plus haute des sciences proprement dites, philosophiques et sociales. C'est ainsi que ce développement des connaissances humaines, que ces conquêtes de l'homme sur la matière, dont on effraie le poète, deviendront eux-mêmes la source des inspirations les plus élevées. Les âges futures qu'on se plaît à nous présenter comme devant être privés de toute poésie, auront la plus belle et la plus grande de toutes, celle de la vérité.
Si la poésie n'est pas susceptible de progrès, en ce sens qu'elle est la voix de l'âme; si elle doit rester éternellement jeune et nouvelle, quoique toujours semblable, il n'est pas moins vrai que, fille de l'humanité, elle doit en refléter les diverses phases, rétrécir ou élargir son horizon, selon que baisse ou grandit le savoir humain. C'est par là qu'elle se rattache aux autres créations de l'homme qui obéit en toutes choses à l'impulsion irrésistible qui le porte en avant. Je ne nie pas qu'il naîtra encore de grands poètes, chantant les passions et les fatalités qui nous étreignent, sans se préoccuper des nouvelles vérités trouvées. Mais ne seront-ils pas grands aussi ceux-là qui, tout en laissant dans leurs œuvres une large place à l'étude des cœurs, lorsqu'ils en viendront à celle du monde, y porteront, non plus leur fantaisie, mais la grandeur calme et précise de la réalité.
Oui, l'humanité monte vers la cité idéale. La science lui ouvre les voies; la poésie dans les siècles nouveaux qui vont s'ouvrir, ne saurait rester l'éternelle ignorante des siècles passés. Les cieux de Dante ne sont plus, qu'elle chante les cieux de Laplace, plus vastes et plus sublimes.
Erstdruck und Druckvorlage
Le Journal populaire de Lille et de l'arrondissement
1864, 16. April, S. *4.
Gezeichnet: Emile Zola.
Die Textwiedergabe erfolgt nach dem ersten Druck
(Editionsrichtlinien).
Le Journal populaire de Lille et de l'arrondissement online
URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32802262m/date
Neudruck
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Edition
Lyriktheorie » R. Brandmeyer