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Texte zur Baudelaire-Rezeption
Texte zur Theorie und Rezeption des Symbolismus
Diskussion: Moderne
Beaucoup de gens attribueront la décadence de la peinture à la décadence des mœurs (1). Ce préjugé d'atelier, qui a circulé dans le public, est une mauvaise excuse des artistes. Car ils étaient intéressés à représenter sans cesse le passé; la tâche est plus facile, et la paresse y trouvait son compte.
Il est vrai que la grande tradition s'est perdue, et que la nouvelle n'est pas faite.
[126] Qu'était-ce que cette grande tradition, si ce n'est l'idéalisation ordinaire et accoutumée de la vie ancienne; vie robuste et guerrière, état de défensive de chaque individu qui lui donnait l'habitude des mouvements sérieux, des attitudes majestueuses ou violentes. Ajoutez à cela la pompe publique qui se réfléchissait dans la vie privée. La vie ancienne représentait beaucoup; elle était faite surtout pour le plaisir des yeux, et ce paganisme journalier a merveilleusement servi les arts.
Avant de rechercher quel peut être le côté épique de la vie moderne, et de prouver par des exemples que notre époque n'est pas moins féconde que les anciennes en motifs sublimes, on peut affirmer que puisque tous les siècles et tous les peuples ont eu leur beauté, nous avons inévitablement la nôtre. Cela est dans l'ordre.
Toutes les beautés contiennent, comme tous les phénomènes possibles, quelque chose d'éternel et quelque chose de transitoire, – d'absolu et de particulier. La beauté absolue et éternelle n'existe pas, ou plutôt elle n'est qu'une abstraction écrémée à la surface générale des beautés diverses. L'élément particulier de chaque beauté vient des passions, et comme nous avons nos passions particulières, nous avons notre beauté.
Excepté Hercule au mont Œta, Caton d'Utique et Cléopâtre, dont les suicides ne sont pas des suicides modernes (1), quels suicides voyez-vous dans les ta[127]bleaux anciens? Dans toutes les existences païennes, vouées à l'appétit, vous ne trouverez pas le suicide de Jean-Jacques, ou même le suicide étrange et merveilleux de Rastignac.
Quant à l'habit, la pelure du héros moderne, – bien que le temps soit passé où les rapins s'habillaient en mamamouchis et fumaient dans des canardières, – les ateliers et le monde sont encore pleins de gens qui voudraient poétiser Antony avec un manteau grec, ou un vêtement mi-parti.
Et cependant, n'a-t-il pas sa beauté et son charme indigène, cet habit tant victimé? N'est-il pas l'habit nécessaire de notre époque, souffrante et portant jusque sur ses épaules noires et maigres le symbole d'un deuil perpétuel? Remarquez bien que l'habit noir et la redingote ont non seulement leur beauté politique, qui est l'expression de l'égalité universelle, mais encore leur beauté poétique, qui est l'expression de l'âme publique; – une immense défilade de croque-morts, croque-morts politiques, croque-morts amoureux, croque-morts bourgeois. Nous célébrons tous quelque enterrement.
Une livrée uniforme de désolation témoigne de l'égalité; et quant aux excentriques que les couleurs tranchées et violentes dénonçaient facilement aux yeux, ils se contentent aujourd'hui des nuances dans [128] le dessin, dans la coupe, plus encore que dans la couleur. Ces plis grimaçants, et jouant comme des serpents autour d'une chair mortifiée, n'ont-ils pas leur grâce mystérieuse?
M. EUGÈNE LAMI et M. GAVARNI, qui ne sont pourtant pas des génies supérieurs, l'ont bien compris: – celui-ci, le poëte du dandysme officiel; celui-là, le poëte du dandysme hasardeux et d'occasion! – En relisant le livre du Dandysme, par M. Jules Barbey d'Aurevilly, le lecteur verra clairement que le dandysme est une chose moderne et qui tient à des causes tout à fait nouvelles.
Que le peuple des coloristes ne se révolte pas trop; car, pour être plus difficile, la tâche n'en est que plus glorieuse. Les grands coloristes savent faire de la couleur avec un habit noir, une cravate blanche et un fond gris.
Pour rentrer dans la question principale et essentielle, qui est de savoir si nous possédons une beauté particulière, inhérente à des passions nouvelles, je remarque que la plupart des artistes qui ont abordé les sujets modernes se sont contentés des sujets publics et officiels, de nos victoires et de notre héroïsme politique. Encore les font-ils en rechignant, et parce qu'ils sont commandés par le gouvernement qui les paye. Cependant il y a des sujets privés, qui sont bien autrement héroïques.
Le spectacle de la vie élégante et des milliers d'existences flottantes qui circulent dans les souterrains d'une grande ville, – criminels et filles entretenues, – la [129] Gazette des Tribunaux et le Moniteur nous prouvent que nous n'avons qu'à ouvrir les yeux pour connaître notre héroïsme.
Un ministre, harcelé par la curiosité impertinente de l'opposition, a-t-il, avec cette hautaine et souveraine éloquence qui lui est propre, témoigné, – une fois pour toutes, – de son mépris et de son dégoût pour toutes les oppositions ignorantes et tracassières, – vous entendez le soir, sur le boulevard des Italiens, circuler autour de vous ces paroles: "Etais-tu à la Chambre aujourd'hui? as-tu vu le ministre? N... de D...! qu'il était beau! je n'ai jamais rien vu de si fier!"
Il y a donc une beauté et un héroïsme modernes!
Et plus loin: "C'est K. – ou F. – qui est chargé de faire une médaille à ce sujet; mais il ne saura pas la faire; il ne peut pas comprendre ces choses-là!"
Il y a donc des artistes plus ou moins propres à comprendre la beauté moderne.
Ou bien: "Le sublime b.....! Les pirates de Byron sont moins grands et moins dédaigneux. Croirais-tu qu'il a bousculé l'abbé Montès, et qu'il a couru sus à la guillotine en s'écriant: Laissez-moi tout mon courage!"
Cette phrase fait allusion à la funèbre fanfaronnade d'un criminel, d'un grand protestant, bien portant, bien organisé, et dont la féroce vaillance n'a pas baissé la tête devant la suprême machine!
Toutes ces paroles, qui échappent à votre langue, témoignent que vous croyez à une beauté nouvelle et [130] particulière, qui n'est celle ni d'Achille, ni d'Agamemnon.
La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l'atmosphère; mais nous ne le voyons pas.
Le nu, cette chose si chère aux artistes, cet élément nécessaire de succès, est aussi fréquent et aussi nécessaire que dans la vie ancienne: – au lit, au bain, à l'amphithéâtre. Les moyens et les motifs de la peinture sont également abondants et variés; mais il y a un élément nouveau, qui est la beauté moderne.
Car les héros de l'Iliade ne vont qu'à votre cheville, ô Vautrin, ô Rastignac, ô Birotteau, – et vous, ô Fontanarès, qui n'avez pas osé raconter au public vos douleurs sous le frac funèbre et convulsionné que nous endossons tous; – et vous, ô Honoré de Balzac, vous le plus héroïque, le plus singulier, le plus romantique et le plus poétique parmi tous les personnages que vous avez tirés de votre sein!
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[125] (1) Il ne faut pas confondre cette décadence avec la précédente:
l'une concerne le public et ses sentiments, et l'autre ne regarde
que les ateliers.
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[126] (1) Celui-ci se tue parce que les brûlures de sa robe deviennent intolérables;
celui-là parce qu'il ne peut plus rien faire pour la (127) liberté,
et cette reine voluptueuse parce qu'elle perd son trône et son amant;
mais aucun ne se détruit pour changer de peau en vue de la métempsycose.
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Erstdruck und Druckvorlage
Baudelaire Dufaÿs: Salon de 1846.
Paris: Michel Lévy Frères 1846, S. 125-130.
Die Textwiedergabe erfolgt nach dem ersten Druck
(Editionsrichtlinien).
URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626546p
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Werkverzeichnis
Verzeichnis
Vaillant, Alain: Oeuvres de Baudelaire:
tableau chronologique des publications.
In: Baudelaire journaliste. Articles et chroniques.
Choix de textes, présentation, notes, chronologie, bibliographie
et index par Alain Vaillant.
Paris: Flammarion 2011 (= GF, 1278), S. 327-357.
Baudelaire, Charles: Salon de 1846.
Paris: Michel Lévy Frères 1846.
URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626546p
Baudelaire, Charles: Edgar Allan Poe, sa vie et ses ouvrages.
In: Revue de Paris.
1852:
März, S. 138-156;
April, S. 90-110.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328579305/date
Baudelaire, Charles: Les Fleurs du mal.
Paris: Poulet-Malassis et de Broise 1857.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70861t
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5834013m
URL: https://mdz-nbn-resolving.de/bsb10861668
Baudelaire, Charles:
Notes nouvelles sur Edgar Poe.
In: Edgar Poe: Nouvelles histoires extraordinaires.
Traduction Charles Baudelaire.
Paris: Michel Lévy frères 1857, S. V-XXIV.
PURL: https://hdl.handle.net/2027/inu.30000037409780
Baudelaire, Charles: Théophile Gautier.
In: L'Artiste.
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URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343612621/date
URL: https://catalog.hathitrust.org/Record/008611621
Baudelaire, Charles (Übers.): Edgar Poe, La Genèse d'un poëme.
In: Revue française.
1859, [20. April], S. 513-527.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32859632h/date
Baudelaire, Charles: Les Fleurs du mal.
Seconde édition augmentée de trente-cinq poëmes nouveaux.
Paris: Poulet-Malassis et de Broise 1861.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70860g
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6151252j
URL: https://mdz-nbn-resolving.de/bsb10924360
Baudelaire, Charles: Richard Wagner et Tannhauser ä Paris.
Paris: Dentu 1861.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6221355j
URL: https://mdz-nbn-resolving.de/bsb10598230
URL: https://books.google.de/books?id=IB5wOJwgXfkC
Baudelaire, Charles:
Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains.
I: Victor Hugo.
In: Revue fantaisiste.
1861, 15. Juni, S. 131-143.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34547104z/date
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Baudelaire, Charles: Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains.
IV: Théophile Gautier.
In: Revue fantaisiste.
1861, 15. Juli, S. 287-289.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34547104z/date
URL: https://catalog.hathitrust.org/Record/000675130
Baudelaire, Charles:
Petits poèmes en prose. A Arsène Houssaye.
In: La Presse.
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URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34448033b/date
Baudelaire, Charles: Le Peintre de la Vie moderne.
In: Figaro. 1863:
26. November, S. 1-5 (I-IV)
29. November, S. 1-5 (V-IX)
3. Dezember, S. 1-5 (Forts. IX-XIII).
[PDF]
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/date
Baudelaire, Charles: Œuvres complètes.
Bd. I: Les Fleurs du mal.
Précédées d'une notice par Théophile Gautier.
Paris: Michel Lévy Frères 1868.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71501c
Baudelaire, Charles: Œuvres complètes.
Bd. II: Curiosités esthétiques.
Paris: Michel Lévy Frères 1868.
URL: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1073236b
PURL: https://hdl.handle.net/2027/hvd.32044074332222
URL: https://books.google.de/books?id=UwoJAAAAQAAJ
URL: https://mdz-nbn-resolving.de/bsb10088220
Baudelaire, Charles: Œuvres complètes.
Bd. III: L'art romantique.
Paris: Michel Lévy Frères 1868.
URL: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10732385
PURL: https://hdl.handle.net/2027/uc1.b4063838
URL: https://books.google.de/books?id=r2kGAQAAIAAJ
URL: https://mdz-nbn-resolving.de/bsb10088221
Œuvres complètes de Charles Baudelaire.
Correspondance générale.
Recueillie, classée et annotée par Jacques Crépet.
6 Bde. Paris: Louis Conard 1947-1953.
Bd. 1 (1947): 1833 - 1856.
URL: https://archive.org/details/oeuvrescompletes0000baud_r5u6
Bd. 2 (1947): 1857 - 1859.
URL: https://archive.org/details/oeuvrescompletes0000baud_x2t0
Bd. 3 (1948): 1860 - Septembre 1861.
URL: https://archive.org/details/oeuvrescompletes0000baud_m0y4
Bd. 4 (1948): Novembre 1861 - 1864.
URL: https://archive.org/details/oeuvrescompletes0000baud_b5u5
Bd. 5 (1949): 1865 & 1866.
URL: https://archive.org/details/oeuvrescompletes0000baud_k3m2
Bd. 6 (1953): Compléments et index.
URL: https://archive.org/details/oeuvrescompletes0008baud
Literatur
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Hrsg. von Dominique Kalifa u.a.
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Vouilloux, Bernard: Le tournant "artiste" de la littérature française.
Écrire avec la peinture au XIXe siècle.
Paris 2011 (= Collection "Savoir lettres").
Edition
Lyriktheorie » R. Brandmeyer